Créationnisme, dessein intelligent, darwinisme.

…et la science dans tout ça ?

 

Par Jacques Vauthier, mathématicien

2008

 

 (Document synthétisé par Nicolas de Frescheville)

 

Du créationnisme au dessein intelligent 3

La théorie de Darwin_ 4

Les descendants de Darwin_ 8

Le DARWINISME est-il une théorie scientifique ?_ 11

DESSIN OU DESSEIN ?_ 13

Le hasard nouvelle causalité?_ 15

Que dit l’Eglise ?     Omne agens agit propter finem_ 17

Conclusion_ 21

 

 

 

INTRODUCTION

Le texte de la Genèse a donné lieu à des flots d’interprétations au cours des siècles et les créationnistes contemporains font figurent de dinosaures accrochés à une lecture littérale qui ne prêterait qu’à sourire si elle ne venait pas polluer la doctrine de la création.  Il faut savoir que ce texte a provoqué des ruptures avec le monde religieux  de personnages célèbres tel Einstein ou Darwin. Ce dernier écrivait : « A force de lire des ouvrages de vulgarisation scientifique, j'ai bientôt eu la conviction que beaucoup d'histoires de la Bible ne pouvaient pas être vraies. La conséquence a été une véritable orgie fanatique de libre pensée accompagnée de l'impression que l'Eglise trompe intentionnellement la jeunesse par des mensonges. C'était une impression écrasante. Cette expérience m'a amené à me méfier de toutes sortes d'autorité, à considérer avec scepticisme les convictions entretenues dans tout milieu social spécifique : une attitude qui ne m'a jamais quitté, même si par la suite, parce que j'ai mieux compris les mécanismes, elle a perdu de son ancienne violence.» ? 

Pour qui a suivi les avatars du scepticisme depuis la Réforme avec les interrogations de Luther sur la Vérité dans l’Eglise, ceci ne parait pas une nouveauté!  Le cheminement  du doute systématique  montre clairement que l’on ne pourrait sérieusement parler de données scripturaires regardant la Nature sans déclencher de la part des scientifiques une levée de bouclier. Pour eux, la vérité ne peut que se trouver dans les sciences où existe un consensus maximal puisqu’elles sont universelles et dépendent de lois vérifiables expérimentalement.

Le créationnisme, prend le texte de la Genèse au pied de la lettre. La création a eu lieu en 6 jours et les espèces sont apparues chacune à leur tour d’un seul coup avec in fine la création de l’homme. Certains proposent que les jours de la Genèse soient ré-interprétés car pour Dieu, « mille ans sont comme un jour ». Cette lecture littérale est rendue caduque par les données de la science actuelle.

Le créationnisme ne tient pas face aux données de la science ou tout simplement au bon sens : comment imaginer que les plantes puissent subsister avant que le soleil n’apparaisse… Galilée a été un des 1ier à remettre en question la littéralité du texte biblique. La grande question qui se posa très vite concernait l’âge de la Terre qui, en suivant le texte biblique, ne pouvait guère excéder 6000 ans ! Le 1ier choc vint des informations des voyageurs de retour de Chine avec des preuves que l’empire chinois était beaucoup plus ancien que 6000 ans !

La lecture par les Chrétiens chaldéens met un terme à ce type de faux problème et ils sourient toujours à notre méconnaissance des textes araméens et de la lecture qui en est faite :

« Comme tout artiste qui commence sont travail Dieu, allume la lumière et  à partir d’une matière « informe » va créer tout ce qui suit. Il commence par séparer les eaux qui sont au dessus et celles qui sont au dessous par une toile de tente, le ciel, puis il installe un tapis de sol qui est agrémenté de couleurs chatoyantes, les plantes, puis il accroche les luminaires, le soleil et la lune, et enfin,  il crée les animaux pour terminer par son chef d’œuvre,  l’homme et la femme ».

Buffon s’interroge aussi sur cette datation et fait la distinction entre science et religion en disant que du côté de la géologie il est difficile de croire que la Terre fût aussi jeune ! Il commence par s’interroger sur les 6 jours de la création et écrit « que pouvons-nous entendre par les 6 jours que l’écrivain sacré nous désigne si précisément en les comptant les uns après les autres, sinon 6 espaces de temps, ou durée ? Et ces espaces de temps indiqués sous le nom de jour, faute d’autres expressions, ne peuvent avoir aucun rapport avec nos jours actuels avant que le soleil ait été placé dans le ciel. Il n’est donc pas possible que ces jours fussent semblables aux nôtres et l’interprète de Dieu semble l’indiquer assez en les comptant toujours du soir au matin au lieu que les jours solaires doivent se compter du matin au soir », vis-à-vis du texte biblique, nous ne devons « jamais nous permettre de nous écarter de cette sainte tradition que quand la lettre tue, c'est-à-dire, quand elle paraît directement opposée à la saine raison et à la vérité des faits de la Nature ».

La discussion sur la vérité des textes bibliques ne ferait que continuer et devait initier une herméneutique, parfois ravageuse des textes sacrés, où plus rien ne subsistait que des Midrash ! Tout devenait sujet à caution et instaurait le délicat dialogue entre science et foi où le croyant est taxé d’obscurantisme et ses dire sont mis en question dès qu’il s’éloigne tant soit peu de son domaine. De plus dès que l’on tente de poser des questions sur l’évolution telle qu’elle est proposée par les tenants d’un matérialisme pur et dur, on est taxé de révisionnisme.

Une théorie scientifique est par essence un modèle qui prend en compte des données concrètes et qui tente de les organiser de façon cohérente pour en dégager des éléments prédictifs qui seront soumis à l’expérience. Il nous faudra regarder les théories de l’évolution et en donner les clefs sous jacentes car tout modèle scientifique porte, en lui une métaphysique qu’il convient de mettre en lumière pour éviter de prendre la réalité pour ce que l’on dit d’elle surtout quand il s’agit de données éparses, difficilement datables et surtout sujettes à interprétations ou quand il s‘agit de les organiser de telle ou telle manière.

La théorie du Big-bang prend en compte les données expérimentales que sont la variation du spectre des galaxies dont la « couleur » vire vers le rouge et le bruit cosmique d’énergie, un bruit de friture qui est détecté par les radars quelle que soit la direction dans laquelle on les tourne. Ensuite, apparaissent des données telles que le ratio entre la quantité d’hélium et d’hydrogène, de carbone et d’oxygène etc. dont l’explication est prise en compte par une théorie qui, pourtant, dit d’elle-même qu’elle ne peut aller au-delà du mur de Planck c'est-à-dire à une fraction de seconde après le temps T =0. Le moment « T=0 » est donc inaccessible à cette théorie. Cette théorie prévoit une expansion de l’univers, mais il est évidemment utopique de croire que l’on pourra un jour vérifier ce point ! Cette théorie est à la limite de ce que l’on appelle une théorie scientifique par son impossibilité d’être falsifiée, c'est-à-dire que l’on ne peut pas mettre en place un protocole expérimental pour la mettre en défaut : il serait, en effet, assez difficile de créer de nouvelles conditions de ce que l’on pourrait appeler une « création de l’univers » même si les scientifiques ont créé des univers fictifs sur ordinateurs en modifiant les conditions initiales c’est à dire les constantes universelles comme la constante de gravité qui gère les jets de tout objet en l’air, la masse de l’électron et sa charge etc. Ils se sont aperçu que ces constantes sont ultra finement déterminées pour que notre univers ait la forme qu’il a. Mais, l’exercice s’arrête là…après on entre dans de pures spéculations.

La théorie de Darwin   Est-ce une théorie scientifique au sens précédent ? L’argument de cette théorie est de dire que le moteur de l’évolution comporte, 1) des mutations au hasard  2) une sélection naturelle des espèces qui se reproduisent le mieux. Evidemment, il est bien difficile de falsifier cette théorie : comment détruire l’un ou l’autre élément de la théorie ? Les mutations qui sont effectuées en laboratoires en particulier sur la mouche Drosophile ne la transforme pas en têtard mais en une autre mouche…Pas de mutations inter espèces donc malgré toute la connaissance de l’attirail génétique que nous avons maintenant : la nature est rebelle et corrige les disfonctionnements pouvant conduire à des monstres.

L’élément fondateur de Darwin était d’indexer dans un contexte de complexité croissante les fossiles qui  étaient de plus en plus proches de nous, permettant de passer du poisson aux reptiles puis aux lézard et aux oiseaux, puis aux mammifères et aux grands singes humanoïdes et enfin à l’homme par un redressement de plus en plus net de la colonne vertébrale, libérant les mains et permettant le langage. Les données expérimentales sur lesquelles Darwin s’appuyait concernaient tout d’abord la capacité d’amélioration des espèces par les éleveurs : le choix des meilleurs étalons et des juments de course donnaient des chevaux de compétition et on constatait une amélioration constante du processus comme si la nature entérinait les choix précédents. Ensuite, la sélection naturelle remplaçait le travail des éleveurs : seuls les individus les plus aptes survivaient par leur capacité de meilleure reproduction. Comme le fait remarquer Tort,  « au départ 2 faits d’observation : la variation des organismes et leur capacité reproductive et 2 certitudes l’une inductive, l’autre déductive : la capacité indéfinie de variations des organismes et la capacité de surpeuplement tendant naturellement à la saturation de tout espace de vie par n’importe qu’elle catégorie d’organismes se reproduisant sans entrave et entraînant de ce fait la nécessité d’une lutte éliminatoire. ». Il est donc nécessaire de supposer l’existence « d’un mécanisme régulateur immanent responsable des limitations et des stabilisations relatives dans les proportions numériques des représentants des diverses espèces, c'est-à-dire responsable des éliminations nécessaires au maintien d’un certain pluralisme de vie, indispensable lui-même à la survie de chaque espèce ». On est donc face à la puissance de la mort qui régule l’édifice darwinien !

On peut se demander ce qui provoque l’évolution. Pourquoi aller vers des espèces de plus en plus complexes pour culminer à l’homme avec la fragilité du petit bébé incapable de se prendre en charge au contraire de tous les petits des animaux qui au minimum savent se déplacer pour aller téter leur mère ? Quel est le moteur de l’évolution quand on connaît la formidable stabilité des processus de reproduction ? N’est-on pas devant une idéologie forgée à partir d’une théorie scientifique ou la confusion des 2 niveaux empêche tout progrès de la pensée dans une véritable recherche de la vérité? C’est de cet enjeu de la science où les scientifiques non matérialistes réclament le droit à la reconnaissance de leur point de vue dont il sera question ici.

 

DU CRÉATIONNISME AU DESSEIN INTELLIGENT

« La théorie du dessein intelligent affirme que certaines caractéristiques de l’univers et des êtres vivants sont expliquées au mieux par une cause intelligente, et non par un processus non dirigé telle la sélection naturelle ».

Il ne s’agirait pour les détracteurs de cette approche que d’une redite de la téléonomie de la Nature qui nécessite l’existence d’un but pour assurer la cohérence du processus de développement. Il s’agit donc de l’existence d’une intelligence conceptrice à l’origine de l’adéquation entre formes et fonctions naturelles, et donc une intelligence à l’origine des êtres vivants.

Mais ce qui est enjeu est l’importance d’une bonne clarification du rôle du matérialisme dans les sciences comme le font remarquer les défenseurs du Darwinisme  pour qui le matérialisme de la théorie darwinienne de l’évolution ne serait pas spécifique à cette théorie : c’est le matérialisme qui serait inhérent à toute démarche scientifique. On n’embête pas, les chimistes, les océanographes, les climatologues, les géologues qui ont tous, eux aussi, leurs théories ancrées dans le même matérialisme scientifique. Pour eux, il s’agit en fait d’un retour à une époque antérieure au 18e  siècle : on convoque à nouveau la transcendance dans une explication du monde qui se veut scientifique.

L’intelligent design a donné lieu à une bataille juridique. Des parents d’élèves en Pennsylvanie se sont insurgés contre le fait que l’école envisageait de proposer l’intelligent design comme alternative à la théorie de Darwin. Le juge fédéral a tranché en déclarant qu’au nom de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il était « inconstitutionnel d’enseigner le dessein intelligent comme une alternative à l’évolution dans une classe de sciences».

Tout ce qui s’oppose à toute interprétation des mécanismes de l’évolution faisant appel à la variation, au hasard et à la sélection naturelle doit être dénoncé comme non scientifique et donc récusé. Cette position défend une idéologie matérialiste qui prévaut et qui ne se cache pas.

Tout scientifique qui ne prend pas une position matérialiste dans ses recherches ne peut donc pas faire de la bonne science. Pourtant les 2 scientifiques qui ont été à l’origine de la génétique et de la théorie du Big-bang sont Mendel un moine et Lemaître un prêtre.

 

La théorie de Darwin 

Tout homme cherche à organiser les observations qu’il fait ; c’est l’activité scientifique primordiale. Quand on touche à la vie et surtout à l’homme, on voit poindre toute la subjectivité de ces hommes qui sont des savants dans leur branche mais qui veulent à tout prix que la théorie qu’ils échafaudent, recouvre la réalité et s’y substitue. L’anthropologie physique est certainement le domaine le plus vulnérable aux influences psychologiques. C’est donc dans ce contexte que nous devons relire l’histoire de la paléontologie et des théories de l’évolution qui ont été proposées essentiellement depuis le siècle des Lumières, en étant vigilant sur ce qui est vraiment science et donc sur ce qui est le plus proche d’expériences reproductibles.

 

Buffon fut un des 1ier à proposer une hypothèse évolutionniste. Il était un parmi d’autres qui souhaitaient dans ce siècle des Lumières affirmer leur indépendance d’esprit par des prises de positions matérialistes. Le fixisme voulait que les espèces ne varient pas. Mais  disait Buffon « si l’on veut des exemples plus modernes et même récents de la puissance de l’homme sur la nature des végétaux, il n’y a qu’à comparer nos légumes nos fleurs et nos fruits avec les mêmes espèces telles qu’elles étaient il y a 150 ans; cette comparaison peut se faire en parcourant la collection de dessins coloriés de Gaston d’Orléans, on y verra peut-être avec surprise que les plus belles fleurs de ce temps, seraient rejetées aujourd’hui, par les jardiniers. Un simple rang de pétales, de longs pistils et des couleurs dures ou fausses sans velouté, sans variété, sans nuances, tous caractères agrestes de la nature sauvage. Dans les plantes potagères, une seule espèce de chicorée et 2 sortes de laitues, toutes 2 assez mauvaises tandis qu’aujourd’hui nous pouvons compter plus de 50 laitues et chicorées toutes très bonnes au goût. […] Combien de fois n’a-t-il fallu que l’homme ait tenté la Nature pour en obtenir ces espèces excellentes ? Ce n’est qu’en semant, élevant, cultivant et mettant à fruit un nombre presque infini de végétaux qu’il a pu reconnaître quelques individus portant des fruits plus doux et meilleurs que les autres». Mais l’existence de  monstres était là pour s’inscrire en faux contre une théorie qui provoquerait des évolutions non sélectives.  

 

Maupertuis (18e) Partisan d’un mutationnisme proche de celui qui prévaut actuellement « si tous les animaux d’une espèce étaient déjà formés dans un seul père ou une seule mère […] observerait-on ces alternatives de ressemblances ? ». Et le savant philosophe prépare l’évolutionnisme du siècle suivant en écrivant « Ne pourrait-on pas expliquer par là comment de 2 seuls individus la multiplication des espèces les plus dissemblables aurait pu s’ensuivre ? Elles n’auraient dû leur 1iere origine qu’à quelques productions fortuites, dans lesquelles les parties élémentaires n’auraient pas retenu l’ordre qu’elles tenaient dans les animaux pères et mères ; chaque degré d’erreur aurait fait une nouvelle espèce et à force d’écarts répétés serait venue la diversité infinie des animaux que nous voyons aujourd’hui qui s’accroîtra peut-être avec le temps mais à laquelle peut-être la suite des siècles n’apporte que des accroissements imperceptibles. ». Une telle proposition n’aurait pas été désavouée par Morgan responsable de la génétique moderne au début du 20ième  siècle.

 

Lamarck  en 1809 proposa la 1iere théorie explicative des différences : une girafe a un cou plus long que celui d’une antilope parce qu’elle s’est adaptée à la difficulté de manger les feuilles situées dans les arbres. Ce sont les “circonstances”  qui ont fait la différence.  « Tout nouveau besoin nécessitant de nouvelles actions pour y satisfaire, exige de l’animal qui l’éprouve, soit l’emploi plus fréquent de telle de ses parties dont il faisait moins l’usage, ce qui la développe et l’agrandit considérablement, soit l’emploi de nouvelles parties que les besoins font naître insensiblement en lui par des efforts de son sentiment intérieur ». Cette théorie  dite adaptative ou lamarckiste allait susciter bien des controverses: comment les générations suivantes ont-elles entériné ces élongations du cou pour atteindre les feuilles les plus hautes et comment expliquer encore une stabilisation de la longueur du cou à une certaine taille? Comment concevoir la naissance d’un organe pour une certaine utilisation puisque l’activité associée n’existe encore pas ?

 

Cuvier (1769-1832) défend la théorie du fixisme : les espèces créées sont immuables. Il pensait que l’évolution était impossible à cause de la corrélation qu’il observait entre les organes majeurs des êtres. Il lui semblait que cela impliquait une telle coordination dans les changements que cela constituait une modification systémique impossible. « Un système appuyé sur de pareilles bases ne peut soutenir un moment l’examen de quiconque a disséqué une main, un viscère ou seulement une plume »

 

Puis apparurent les 1iere interrogations sur les fossiles, posaient le problème de la disparition de certaines  espèces. Les savants de l’époque les classaient en fonction de leur complexité croissante. De plus en plus, ils proposèrent des classifications qui reliaient la complexification avec une organisation dans le temps : les formes les plus simples seraient apparues avant les plus complexes.

 

Darwin propose une nouvelle explication, qui s’inscrit dans le cadre des idées matérialistes il publie L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie “struggle for life”.  L’Angleterre est en pleine mutation économique et l’environnement social, va influencer sa pensée. Darwin va joindre 2 remarques : 1) observation des éleveurs qui pratiquent une sélection des meilleurs éléments du cheptel pour la reproduction, 2) Malthus (1766-1834), théoricien de la domination des plus forts au sein des races par “la lutte pour la vie”. Une loi faisait obligation aux asiles paroissiaux de leur venir en aide avec à la clef des taxes très élevées. Or les enfants confiées aux crèches paroissiales mourraient à 99% la 1iere année… ! La théorie de ce pasteur était donc que les pauvres ne devaient pas exister et s’ils existaient ils devaient assumer leur condition en particulier dans le nombre de leurs enfants. «Cette inégalité naturelle entre les 2 forces celle du peuplement et celle de la production du sol et cette grande loi de la nature qui doit constamment équilibrer leurs efforts constitue le principal obstacle à mon sens insurmontable sur le chemin de la société vers la perfectibilité ».

Le darwinisme tient en 2 mots : variation et sélection. Sa théorie se développe selon 3 propositions liées entre elles :

1iere les espèces ne sont pas immuables. Le terme d’espèce désigne des individus capables de se reproduire entre eux. L’apparition des espèces, s’est faite selon lui, par un processus naturel de « descendance avec modification ».

2e Ce processus concerne tous les vivants qui ont un petit nombre d’ancêtres communs, voir un seul ancêtre. Ce vaste processus est guidé par la sélection naturelle qui permet la survie du mieux adapté. La sélection naturelle existe dans l’élimination des nouveau-nés à malformation grave mais Darwin en fait une dynamique qui est capable de modifier des individus au cours des générations.

3e Le hasard provoque des variations et la sélection élimine les erreurs faites au profit des meilleures « trouvailles » qui vont toujours dans le sens d’une amélioration (les plus forts se reproduisent mieux et entérinent ainsi les nouvelles modifications).

Karl Popper faisait remarquer que « la survie du plus apte laisse entendre qu’il y a une sorte d’aptitude idéale », ce à quoi les darwinistes rétorquent que « la sélection naturelle favorise la variabilité ».

La question qui subsistait était de déterminer le “moteur” qui provoque ces mutations. Il est jusqu’à présent inaccessible à la vérification expérimentale malgré des exemples qui sont proposés comme le phalène du bouleau, papillon qui a modifié sa couleur en fonction des contraintes de la situation (la fumée des usines l’a conduit à adopter une robe plus noire pour éviter les prédateurs). Mais aucun exemple de saut entre des espèces n’est disponible actuellement et le hasard n’était qu’un cache-misère de la théorie proposée par Darwin. Le hasard n’a jamais rien expliqué. « On se trompait du tout au tout quand on reprochait à Darwin d’imaginer la sélection naturelle comme un choix effectué par la Nature, il voulait au contraire une nature où tout se passerait comme s’il y avait eu choix, bien que personne ni rien ne fût là pour choisir » Gilson. Il est aussi très difficile d’identifier un avantage quelconque dans une mutation indépendamment du résultat final. La notion « d’avantage » dans le cas de certains individus n’est pas nécessairement synonyme «d’amélioration ». Une  fourmi est mieux adaptée que les hommes si on prend le critère de la reproduction…Mais une amélioration est toujours concomitante avec une fragilisation due à une augmentation de la complexité ce qui contredit encore la sélection naturelle. Le paon a des plumes immenses qui fragilisent  sa capacité de fuir des prédateurs mais la beauté de sa roue est là pour séduire la femelle et participer à la reproduction de l’espèce. Darwin ne sépare jamais le beau de l’utile.…

 

Le Monde de Sophie, propose la théorie de Darwin comme une véritable théorie scientifique. Ainsi, « nous pouvons pour l’instant résumer la pensée de Darwin en disant que la « matière 1iere » ou le matériau de la vie sur Terre, ce sont les constantes variations entre les individus d’une seule et même espèce et le taux de natalité n’est là que pour permettre aux plus forts de se développer. Ce « mécanisme » ou cette énergie de vie à l’origine de toute l’évolution, c’est la sélection naturelle dans la lutte pour la vie. Cette sélection a pour conséquence que seuls les plus forts ou les « mieux adaptés » survivent. »  «  Toute la théorie de Darwin repose sur l’idée que se sont les variations tout à fait accidentelles qui ont, en dernière instance, permis à l’homme d’apparaître sur Terre. En d’autres termes, Darwin avait osé faire de l’homme le produit de quelque chose de fort peu romantique, à savoir la lutte pour la vie. »  Darwin n’a jamais utilisé le mot d’évolution dans les 1iere éditions. « Evolution a surtout rendu le service de masquer l’absence d’une idée. On a commencé d’en parler pour dire que tout était donné d’avance et on a continué d’en parler pour dire que tout ce qui arrivait était nouveau ».

 

Les 1iere difficultés Le chaînon manquant et la coordination des mutations.

La quête des fossiles permettant de trouver les espèces intermédiaires est un échec et prouve dans une certaine mesure le contraire de ce que l’on veut démontrer. Non seulement des espèces sont apparues de façon inopinée, et en quantités très importantes, mais aussi des espèces ont totalement disparu lors d’extinctions massives qui se répètent avec une relative périodicité. Les espèces qui existent actuellement apparaissent plus comme les plus chanceuses que comme les mieux adaptées. Comment trouver un ancêtre commun à la baleine et à la chauve-souris toutes 2 mammifères ? Comment expliquer l’apparition des oiseaux à partir des reptiles ? L’archéoptéryx n’est pas suffisant expliquer le passage des écailles - sortes de tuiles - aux plumes qui se comporte comme des sortes de fermetures éclair. Les exemples ne manquent pas pour mettre difficulté la théorie de Darwin qui écrivait « Je n’aurais jamais, sans doute, soupçonné l’insuffisance et la pauvreté des renseignements que peuvent nous fournir les couches géologiques les mieux conservées, sans l’importance de l’objection que soulevait contre ma théorie l’absence de chaînons intermédiaires entre les espèces qui ont vécu au commencement et à la fin de chaque formation ». La difficulté subsiste toujours car la masse de fossiles découverts n’a toujours pas comblé ces intervalles attendus par la théorie de Darwin.

Dans l’Etat du Wyoming, il y a un dépôt continu de fossiles s’étalant sur 5 millions d’années ; or, à la grande stupéfaction des paléontologistes, nul continuité mais une stabilité de certaines espèces pendant un million d’années avant de disparaître…L’explosion du Cambrien, survenue il y a 600 millions d’années, a fait surgir presque tous les phylums animaux sans trace d’ancêtres « C’est comme s’ils avaient été plantés là sans histoire évolutive ». Il faudrait aussi évoquer le mystère des fossiles du schiste de Burgess dans l’état du Washington, fossiles extravagants par leur complexité et qui, tous, ont disparu comme si la Nature avait fait des essais et s’était ravisée.  On trouve en  effet, par exemple, des fossiles en forme d’aiguilles à tricoter avec des pattes en croisillon. Ces fossiles posent à l’envers la recherche du « chaînon manquant », la question de l’interruption de ces phylums.

 

Darwin affirmait aussi que « la sélection naturelle, si elle se veut aussi vraie, doit bannir la croyance en la création de nouveaux êtres organiques ou en des modifications majeures et soudaines de leur structure». Or comment expliquer la formation du poumon aviaire à partir du poumon d’un amphibien ? La coordination des modifications semble impossible si on les laisse au seul hasard. Denton : « comment un système respiratoire aussi profondément différent a-t-il pu évoluer graduellement à partir du modèle standard des vertébrés ? La question soulève une formidable difficulté surtout si on garde à l’esprit le fait que l’entretien de la fonction respiratoire est absolument vitale à l’organisme […] Le poumon aviaire ne peut fonctionner comme organe respiratoire que si le système des parabronches qui le traversent et le système des sacs aériens qui assurent la circulation de l’air sont chacun entièrement achevés et capables de fonctionner de façon totalement intégrée. » Darwin lui-même écrivait que « si l’on arrivait à démontrer qu’il existe un organe complexe qui n’ait pas pu se former par une série de nombreuses modifications graduelles et légères, ma théorie ne pourrait certes plus se défendre ». La réponse sera une sorte de saltationisme, de petits saut, dans les modifications. Et pourtant, la théorie de la stase ou du manque de changement est un des paradoxes que l’on rencontre dans cette théorie de l’évolution : comment expliquer cette stabilité extraordinaire des espèces pendant des millions d’années ? « Du point de vue de l’évolution, la stase était généralement vue par les paléontologistes comme une absence de preuve plutôt que comme une contradiction de la théorie du changement évolutif  graduel et progressif ». W.Hopkins objectait « la théorie de Darwin ne peut rien expliquer, car elle est dans l’impossibilité d’assigner une relation nécessaire entre les phénomènes et les causes auxquelles elle les rapporte». Mais si la théorie qu’il proposait pouvait ouvrir le champ à discussions scientifiques, l’interprétation qu’il en donnait, le faisait entrer inéluctablement dans ce que l’on peut appeler une métaphysique naturaliste. Darwin affirme que rejeter la Création primait tout. ”si tous les hommes disparaissaient, les singes pourraient faire des hommes. Pourtant création et évolution ne s’excluent pas au contraire de matérialisme et création.

 

Le Monde de Sophie. Elle interroge son mentor sur les « variations accidentelles » et celui-ci répond « tu touches là le point faible de sa théorie. Il ne pressentait que très vaguement l’importance de l’hérédité […]. Quant à savoir comment ces variations apparaissent, le néo-darwinisme s’est chargé d’y répondre en complétant ainsi la théorie de Darwin » C’est au niveau des divisions cellulaires, dit-il, que les mutations se produisent : « une mutation peut aussi donner à l’individu précisément ce petit plus dont il a besoin pour mieux lutter pour sa survie » Et de donner l’exemple de la phalène du bouleau…qui ne résout en rien sauf par une extrapolation non vérifiable la problème de la mutation entre espèces. Mais alors, demande Sophie, d’où est sortie la 1iere cellule ? Pas de problème ! La vie est apparue par un bombardement cosmique d’une soupe pré-biotique qui a accroché les molécules les unes aux autres jusqu’à produire le fameux ADN. « Dans la soupe primitive, une énorme macromolécule s’est formée un jour avec l’étrange faculté de pouvoir se diviser en 2 parties tout à fait identiques. Ceci marque le départ de toute l’évolution à venir […].

 

Mais, l’existence de la conscience reste le problème qui a été systématiquement éludé par les darwinistes.  Ceux qui décrient l’Homme et le réduisent à l’état de brute espèrent cependant être admirés et crus par les hommes et par là se contredisent par leurs propres sentiments.

Jaki fait remarquer « la plus grande difficulté pour cette assertion [l’absence de toute finalité] est la suivante : un processus d’évolution supposé sans objectif se termine en produisant un être, l’homme, qui agit en toute chose avec un but. Même les évolutionnistes ont un but en niant tout but : leur but est de promouvoir le matérialisme ce qui est tout sauf de la science mais une anti-métaphysique »

 

Au delà de la polémique, il nous faut regarder la pertinence des idées darwiniennes et les confronter aux critères qui fondent une théorie scientifique. Popper « la mauvaise conception de la science se trahit dans son insistance à vouloir avoir raison » Ne sommes nous pas avec la théorie de Darwin en présence d’un paradigme qui est un élément apparemment arbitraire, fondé sur une expérience personnelle ou historique « comme ingrédient formateur des croyances embrassées par une communauté scientifique à une époque donnée » et « Lorsqu’on examine de près, soit historiquement soit dans le cadre du laboratoire contemporain, la science normale semble être une tentative pour forcer la nature à se couler dans la boîte préformée et, inflexible que fournit le paradigme. […] Au contraire la recherche de la science normale est dirigée vers une connaissance plus approfondie des phénomènes et théories que le paradigme fournit déjà ».

 

Enfin on ne peut ignorer que cette théorie élaborée au moment où se mettait en place un capitalisme industriel, dont on connaît les ravages auprès des plus faibles, a été utilisée par les 2 grandes plaies de notre époque : le marxisme et le nazisme. Car comme le fait remarquer Tort « on doit avoir présent à l’esprit le fait que la sélection naturelle –il s’agit chez Darwin d’un point fondamental – sélectionne non seulement des variations organiques présentant un avantage adaptatif mais aussi des instincts. » par exemple des instincts sociaux « ainsi que le prouvent le triomphe universel du mode de vie social au sein de l’humanité et la tendancielle des peuples civilisés à l’hégémonie» La sélection naturelle serait donc vecteur de la morale…

Les successeurs de Darwin vont devoir assurer une transition entre une position idéologique et ce qui devrait constituer une théorie scientifique authentique fondée sur des faits. C’est le glissement progressif que dénonce Schönborn entre la théorie de Darwin qui peut se discuter scientifiquement et le darwinisme qui n’est qu’une idéologie. En particulier, le néo-libéralisme s’articule sur un darwinisme social qui n’a rien de réel ; on voudrait ainsi nous faire croire que la crise économique en Europe est simplement une incapacité de s’adapter à des chocs exactement comme les néo-Darwiniens interprètent la disparition d’espèces animales.

 

Mendel La distance entre la théorie de Darwin qui s’appuyait sur des intuitions intéressantes mais non vérifiables sauf dans le cas des élevages pour ce qui concerne la sélection (qui, dans ce cas, était tout sauf naturelle et aléatoire) et une théorie scientifique, allait atteindre son sommet d’autant plus, qu’un moine allait faire la seule et vraie découverte scientifique du 19ième siècle – c'est-à-dire mesurable au travers d’un protocole scientifique reproductible. La découverte de Mendel est la plus importante avant la découverte des chromosomes et de l’ADN-ARN dans le domaine de la génétique et de l’évolution. La « loi des petits pois » allait être trouvée parce que Mendel était un botaniste averti, ayant le regard d’un statisticien rigoureux et capable d’une analyse scientifique sans faille. L’étude simultanée des caractères montra à celui-ci que chacun est hérité indépendamment : par exemple, la couleur de la cosse ou la rugosité du grain. « Ces caractères sont formés d’éléments indécomposables et se comportent comme des entités absolues. Ces caractères élémentaires peuvent se manifester ou rester latents mais non pas subir des modifications. » Le reste est une loi de probabilité. La discontinuité du patrimoine héréditaire était mise en évidence et ne sera expliquée que plus tard par la génétique moderne.

 

Les descendants de Darwin

Début 20ième. Nous sommes en pleine explosion du scientisme et de son cortège de matérialisme avec A Comte.

1910 : le mutationisme tente de mettre en cohérence les résultats sur l’hérédité découverts par Mendel et le darwinisme. Pour la 1iere fois, était alors mise en évidence la transmission de caractères réapparaissant plusieurs générations plus tard. Pour expliquer ces phénomènes, Vriès introduis les concepts de génotype désignant le patrimoine génétique de chaque individu et le phénotype désignant l’expression du génotype avec ses interactions avec l’environnement. Ceci permit en particulier d’interpréter les mutations de la mouche drosophyle et d’un papillon du bouleau qui, de blanc qu’il était, est devenu noir à cause des poussières de charbon en Angleterre pour éviter les prédateurs – il faut savoir qu’en fait, ces 2 espèces pré-existaient avant l’avènement de la sidérurgique anglaise...

1930 : La théorie synthétique  désigne le néo-darwinisme. L’assise scientifique de la théorie de l’évolution était restée, depuis Darwin fortement spéculative et non soumise à des tests ou à une réfutation. Dobzanski montre alors que l’évolution n’est pas due à la mutation d’un seul gène mais à la sélection des meilleurs allèles c’est à dire de groupes de gènes. Mayr définit à son tour l’espèce comme ensemble d’individus capables de se reproduire entre eux. Simpson, en s’appuyant sur des données de la paléontologie, prétendit alors que l’évolution provenait de l’accumulation de petites mutations génétiques. On avait ainsi un schéma simple de l’évolution : des mutations aléatoires triées par sélection naturelle, l’être vivant ne faisant donc que subir passivement mutations et sélections...

Des objections restaient pourtant encore à lever.

D’une part les luttes intraspécifiques n’avaient pas l’air d’exister systématiquement, le mieux adapté n’éliminant pas nécessairement le moins bien adapté. Ainsi le cormoran est-il privé de palmure mais pêche-t-il aussi bien que le manchot qui, lui, en est doté, « la vie a un énorme pouvoir d’adaptation qui minimise le rôle de la sélection ». On connaît, en effet, des formes de vie bactérienne dans des conditions extrêmes à -50° C comme à 150°C. Seule une adaptation trop étroite au milieu peut rendre l’espèce fragile: les coccinelles disparaissent si les insecticides tuent les pucerons.

D’autre part, les trouvailles de la nature ne reçoivent aucune espèce d’explication. 2 exemples  

- Les étamines de la sauge ont une morphologie complexe. Au sommet du filet s’articule un axe qui porte à son extrémité une demi anthère fertile et à l’extrémité inférieure une demi-anthère atrophiée formant une sorte de pédale sur laquelle vient buter tout insecte pénétrant dans la fleur, ce qui provoque un mouvement de la demi anthère fertile sur le dos de l’animal qui se trouve ainsi chargé de pollen.

- Le papillon d’Amérique qui pond ses œufs dans l’ovaire du yucca et dont les larves se nourrissent aux dépends du fruit de la plante. Pour que le fruit apparaisse, il faut qu’il y ait fécondation, événement que les dispositions anatomiques de cette fleur rendent hautement aléatoire. Avant de pondre, la femelle du papillon prélève du pollen. Le pollen ainsi recueilli est mis en boule et déposé par l’insecte sur le stigmate de l’ovaire avant la ponte. Le fruit est alors fécondé et l’avenir de la progéniture assuré.

« quiconque endosse la conception aléatoire de l’évolution admet que l’œil et l’oreille, pour devenir ce qu’ils sont, nécessitèrent des milliers et des milliers de hasards heureux, synchronisés aux besoins de leur fabrication. Quelle est la probabilité d’une réussite si merveilleusement fortuite? »

 

1994 : Théorie de la stabilité utilisant les attracteurs étranges mis en évidence dans la théorie du chaos par les mathématiciens. L’adaptation ne serait qu’une pression du milieu créant un “bruit” sur le message d’informations transmis au niveau du fameux ADN. Ainsi «  si les vertébrés [...] sont apparus [...] c’est à l’origine parce qu’un poisson primitif a choisi d’aller explorer la terre où il ne pouvait cependant se déplacer qu’en sautillant maladroitement». Mais il n’y pas pour autant unanimité chez les biologistes car “concevoir l’évolution comme le résultat de l’accumulation régulière de petites mutations est dorénavant impossible”, d’autant que l’on a montré que le système génétique corrige les petites erreurs qui peuvent se produire. Pourtant pour Gouyon, les gênes ont “inventé”  l’individu pour se reproduire : c’est la théorie du gêne “égoïste”. Ce qui revient à définir le tout en regardant une de ses parties! Dawkins ne regarde plus que « l’information » et sa transmission par le matériel génétique enrobé par l’individu. La grande question de la définition de l’information génétique en tant que telle et de son expression dans chaque espèce reste entière.

 

1995 : Les extinctions massives qui apparaissent périodiquement mettent à mal la théorie du plus fort. On a dénombré 8 grandes périodes d’extinction massive pendant lesquelles 99% des espèces disparaissent entre le Précambrien et le Crétacé avec une relative périodicité de 26 millions d’années. La disparition des dinosaures, à la fin du Crétacé, a été un autre pavé dans la mare des darwiniens qui ont dû, envisager une théorie (“le saltationisme” contre le “gradualisme”) du plus “chanceux” au lieu du plus fort. A l’époque des stégosaures et autres brontosaures, tout le monde aurait parié sur eux comme étant les plus forts et les mieux adaptés. Hélas! un petit caillou tombe du ciel et toute cette faune disparaît... « Certains ont survécu sans aucune raison a priori. Ce sont les heureux 4% de survivants ». Plus question de dire que seuls les plus forts ont gagné — du temps des dinosaures, ils avaient peu de concurrents! — Nous-mêmes serions donc le terme de ces jeux de hasard avec, comme ancêtres, la faune incroyable découverte dans les schistes de Burgess où la nature s’est amusée à inventer des bestioles extravagantes.

 

Et la paléontologie humaine ? Elle se trouve chargée de présupposés idéologiques dont il est bien difficile de se débarrasser. Le fameux chaînon manquant en est un des avatars : « Les fossiles sont plutôt rebelles au darwinisme lorsqu’ils sont examinés objectivement; mais l’examen objectif a été rarement le but de la paléontologie darwiniste. L’approche darwinienne a toujours consisté à trouver des indices fossiles, à déclarer péremptoirement qu’ils confirment “ l’évolution”, et à contourner toutes les difficultés » fait remarquer  Johnson dans son enquête sur la validité des thèses darwinistes.

L’homme de Piltdown est une supercherie. Ce crâne, découvert en 1912, avait été fabriqué de toutes pièces par un faussaire. La “découverte” fut jalousement préservée de toute inspection critique. Non seulement les reconstitutions des hominidés sont sujettes à caution (Lucy est devenue un mâle...), mais l’arbre généalogique se complique à chaque nouvelle découverte d’un morceau d’os par les paléontologues.

Thèse de Coppens : Une modification du climat à l’est de l’Afrique aurait fait disparaître la forêt et forcé les grands singes à s’adapter à un environnement de savane en se redressant. D’autres pensent que l’ancêtre commun aux singes et aux humains était en fait vertical et que les singes se sont mis plus tard à se déplacer à 4 pattes. Et pourtant, la biologie moléculaire vient maintenant suppléer ces arguments globaux en introduisant la notion de différence génétique.  « bien que tous les humains aient l’air entièrement différents du singes, ces différences sont superficielles. Au niveau qui compte vraiment – dans leurs gènes – ils sont identiques à 99%. ». Inutile de souligner la métaphysique qui sous-tend le début de cette dernière phrase ! La faute logique consiste à lier affinité et descendance commune. Les scientifiques ont défini des distances génétiques entre des espèces. Rien ne permet pourtant d’expliquer comment on peut les combler. Les études récentes montrent beaucoup plus de divisions fondamentales dans le monde vivant qu’on ne le prévoyait. Il est d’autre part clair que plus on se rapproche de la matière, plus les différences s’estompent : le monde vivant est formé d’hydrogène, d’oxygène, de carbone etc.. L’homme n’est pas un arbre pour autant! Paradoxalement, en analysant l’ADN mitochondrique Wilson a montré qu’il était très plausible que les humains soient les descendants d’une femme qui vivait en Afrique il y a moins de 200.000 ans. Ceci met à mal les millions d’années que certains paléontologistes avancent pour l’apparition du genre Homo. Le conflit entre experts en fossiles et biologistes moléculaires est ouvert.

Le darwinisme et ses avatars correspondent à un paradigme, une manière de regarder le monde sur laquelle les anomalies sont interprétées par les scientifiques en se référant au paradigme. Le flamant rose son bec inversé est expliqué par une évolution de cet ordre. Son anatomie a été remodelée. Cet oiseau a la particularité d’avoir, la partie mobile du bec en haut, ce qui lui permet d’avoir une meilleure adaptation à sa vie à l’envers. En effet, il mange la tête entre les pattes, donc à l’envers, le bec adapté à cette acrobatie. Ainsi sa mandibule supérieure a été complètement redessinée (taille, forme, mouvement). Un jour, un flamand a donc inventé la mode “tête à l’envers” et seuls ceux qui ont pu s’adapter sont devenus les plus forts et ont survécu...  C’est le merveilleux pouvoir d’adaptation… Quels motifs scientifiques sérieux conduisent à de telles conclusions? Comment expliquer par le hasard ce genre de modification ? Mieux adapté à l’environnement !? Un changement de comportement provoque un changement d’organe ? Comment alors l’évolution c’est elle mise en place au cour d’une série d’étape intermédiaires ? Qui osera affirmer qu’après avoir mis la tête à l’envers ce 1ier ancêtre a mis au monde un rejeton pourvu des modifications pour la vie à l’envers ?

 

Est-ce parce qu’il vaut mieux Darwin plutôt que de ne pas penser du tout”?  Monod : « Le hasard seul est à la source de toute nouveauté, de toute création. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l’évolution. » Quiconque sait ce qu’ont donné des milliers d’heures d’ordinateur dont le seul programme était l’aléatoire et qui n’ont débouché sur...rien.                                    Denton, s’interroge : « Comment le processus aléatoire de l’évolution a-t-il pu aboutir à une structure aussi ordonnée que celle de la diversité du vivant ? Malgré l’absence de réponse convaincante, l’idée du taux d’évolution uniforme est présenté dans la littérature comme une découverte empirique. L’influence du paradigme évolutionniste est si puissante qu’une idée qui ressemble plus à un principe de l’astrologie médiévale qu’à une théorie sérieuse est devenue une réalité pour les biologistes évolutionnistes. Nous avons là, peut-être, l’exemple le plus frappant d’un principe déjà illustré à plusieurs reprises. Devant chaque discontinuité empirique  importante observée dans la nature, on rencontre des difficultés conceptuelles énormes (voire insurmontables) à imaginer comment les intervalles ont pu être comblés par des processus aléatoires graduels. Nous l’avons vérifié dans le cas des fossiles, dans celui de la plume, dans celui du poumon aviaire et dans celui de l’aile de la chauve-souris [...] Mais face à cette extraordinaire découverte, la communauté des biologistes semble se contenter d’offrir en guise d’explications de pures tautologies apologétiques. » Pourtant, il faut dire que l’évolution est plus qu’une hypothèse à cause de la convergence, nullement recherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres.

Les questions redoutables qui se posent concernent la causalité et la notion de loi. Depuis Hume, un scepticisme enveloppe ces concepts. Entre le hasard aveugle et les trouvailles de la nature que certains n’hésitent pas de qualifier d’intelligentes, la séparation se fait entre les matérialistes et les spiritualistes. Il faut faire une distinction entre la notion de théorie scientifique et son lien avec le réel comme image approximative et soumise à révision ainsi que la distinction entre regard scientifique et regard philosophique. La Création, l’apparition de la vie et, plus encore, l’apparition de l’homme sont des mystères que la science ne peut qu’approcher et ne cessera de tenter d’épuiser. L’expérience du savoir métaphysique, de la conscience de soi, celle de la conscience morale, de la liberté, ou de l’esthétique et religieuse sont du ressort de l’analyse et de la réflexion philosophiques.

Sans cesse, il est nécessaire de distinguer les différents niveaux de l’intelligence humaine pour éviter de se laisser prendre par des idéologies sous-jacentes. La philosophie est une nécessité pour avoir ce recul par rapport à des résultats qui peuvent exalter l’orgueil humain et lui faire prendre des hypothèses, si séduisantes, pour la réalité.

 

 

Le DARWINISME est-il une théorie scientifique ?

Commençons par une remarque de bon sens : la science est un filet, l’intelligible, qui attrape des poissons, le réel, encore faut-il qu’il y ait de l’intelligible dans le réel, c’est-à-dire des poissons pour que le filet les attrape ! L’intelligence extrait donc de l’intelligible du réel : c’est la science dans son 1ier stade. Elle unifie ce qui paraît divers, par exemple, la chute d’une pomme et le mouvement de la Lune, elle naît dans la découverte de l’identité au sein de la diversité; mais au-delà, et ce fut l’apport de Newton, les mathématiques unifient le lancé d’un corps, une parabole, et la trajectoire des planètes, une ellipse, dans ce processus de mathématisation du réel. Ainsi, les concepts de la théorie physique expriment ce qu’il y a de quantitatif dans le réel physique et donnent accès à une zone d’intelligibilité qui est d’ordre mathématique. « Le physicien est parvenu à connaître un des aspects du monde réel, sa figure quantitative ». Et Bachelard faisait observer que « la physique est un panorama mathématique de la matière ». De toutes les façons, la science repose sur le réalisme de la mesure auquel elle confronte ses modèles dans un va et vient incessant de vérifications expérimentales. Le processus est toujours le même : à partir de la saisie des sens, il y a induction puis conceptualisation et enfin déduction avant vérification expérimentale.

La science est une confrontation constante entre le réel instruisant l’esprit de ses complexités ignorées et l’esprit pénétrant le réel et y traçant ses chemins. La physique considère donc ce que l’on pourrait appeler des « natures intelligibles » et les lois qu’elle postule expriment non des faits mais des comportements de ces natures. La loi cherche dans un fait réel complexe le comportement simple d’une nature intelligible  « quoi de plus compliqué que le mouvement des planètes, quoi  de plus simple que la loi de Newton ». Une observation scientifique sera donc une observation susceptible d’être généralisée et de conduire à la formulation d’une loi. On sera d’abord amené à créer une abstraction et ensuite à la codifier de façon mathématique.

Si l’on regarde la fameuse loi de Newton d’attraction universelle, on constate que dès le point de départ, la notion de force d’attraction est une abstraction. La force va ensuite se représenter comme un vecteur et la somme de forces sera la somme de vecteurs. Cette loi de Newton fait réellement connaitre tout ce que l’influence de corps en mouvement révèle de détermination quantitative. On voit que la valeur de la  science est liée à la capacité d’abstraction : « l’abstraction est la démarche normale et féconde de l’esprit scientifique » Bachelard. Force, masse, pression, sans parler des champs qui sont le fondement de la physique contemporaine, sont des abstractions et la loi de conservation de l’énergie mixte 2 abstractions : la conservation et l’énergie ! Et pourtant combien cette loi est fondamentale dans la physique des particules pour décrypter les chocs qui sont mis en évidence dans les chambres à bulles par exemple.

La loi cherche donc dans un fait réel complexe le comportement simple d’une nature intelligible.

Qu’en est-il de la théorie de Darwin?

« Ce n’est pas parce que les mathématiques n’arrivent pas à modéliser l’évolution qu’elle n’existe pas ». Nous sommes d’accord sur ce point, mais, paradoxe, on fait appel aux probabilités pour assurer. « si on joue des millions de fois à la loterie, notre combinaison favorite sortira. C’est une question de temps. Or, si on considère les milliards d’années de l’univers et les milliards de planètes, alors cela n’a rien d’improbable. Mais si cela est arrivé, ce n’est pas parce que cela devait arriver » ! Le problème est que le numéro gagnant est relatif à un jeu qui préexiste, or ici, il ne doit pas y avoir de règle du jeu par définition même de l’émergence ex nihilo de la vie… les calculs de probabilités après des milliers d’heures d’ordinateurs surpuissants, ont montré que s’il n’y a pas de finalité dans ces calculs il ne se passe tout simplement …rien.

Comment se sortir de cette situation ? Les scientifiques autres que darwiniens regardent  le raisonnement de Picq faisant intervenir les probabilités. Ils ne sont pas contre l’évolution mais contre le fait que le Darwinisme était une théorie qui annulait toute finalité et laissait au hasard aveugle le soin de construire le formidable édifice de la vie et des espèces que l’on commence à connaître.

Picq dit que « la science est un mode d’interprétation du Monde qui se fonde sur des modèles et des hypothèses qui sont soumis au test de l’observation et de l’expérimentation ». Tout à fait d’accord. « Darwin a révolutionné la biologie parce qu’il lui a conféré son indépendance vis-à-vis des idées ou des principes non scientifiques. Elle est devenue une science matérialiste comme la physique et la chimie mais de la matière vivante » Si « matérialiste » signifie « en lien avec le réel », je suis d’accord. Si ce terme dénote une connotation marxisante, je ne comprends pas l’irruption de cette idéologie dans un contexte scientifique. Plus étrange est la manière dont il insiste sur ce point en écrivant. « La science ne se définit pas par sa capacité à expliquer ou non le monde dans sa totalité mais dans sa démarche fondée sur une méthodologie matérialiste [Ce qui signifie] qu’on renonce à invoquer un quelconque principe invisible, indémontrable inobservable voire indéfinissable ». La « théorie du tout » n’est pas scientifique. Mais que devient le hasard s’il n’est pas mathématisé ? Ne tombe-t-il pas dans la catégorie de ces principes « invisibles, indémontrables, inobservables voire indéfinissables » dans la théorie de Darwin ?

La théorie de Darwin est toutefois scientifique nous assure Picq. Mais en quel sens? « Elle se présente comme une science à la fois théorique et historique, comme une science des structures et des processus » Comme elle est historique, pas question de la reproduire. Elle est historiquement contingente à cause des événements imprévisibles qui ont provoqué de grandes extinctions comme la météorite qui a creusé le golfe du Mexique et provoqué la mort des dinosaures. Que fait-elle d’autre alors que d’établir des tentatives de listes de fossiles en les liant les uns aux autres par des raisonnements qui donnent lieu à interprétations ?  « La sélection naturelle vise à expliquer comment et pourquoi des individus fécondent une plus grande descendance que les autre. Ce n’est donc pas une loi interne à la vie comme la gravitation est une loi immanente à la matière : la sélection naturelle est un principe qui recouvre tous les mécanismes et les circonstances qui font que des individus laissent une plus grande descendance que d’autres ». C’est aussi la 1iere fois qu’une théorie qui se veut scientifique va être sûre de recouvrir tous les mécanismes et circonstances de l’évolution. Quand on sait combien les scientifiques des sciences dites dures sont prudents et savent que tout est lié à des approximations successives faites d’aller et retour entre l’expérimentation et les modèles. L’anomalie de la position de la planète Mercure détectée par des mesures de plus en plus précises ne pouvait s’expliquer par la théorie de Newton. Il a fallu attendre la théorie de la relativité d’Einstein pour comprendre cette anomalie. Et la théorie d’Einstein est soumise à remise en question permanente. Pour le moment elle résiste mais jusqu’à quand ?

La théorie de l’évolution s’articule donc entre 2 ensembles de disciplines, celle des processus et celles des structures. « Les 1iere reposent sur des recherches qui mobilisent toutes les méthodes des sciences dures : observations, comparaisons, expérimentations, modélisations (forcément mathématiques) »  et « celles des structures fonctionnent comme des sciences historiques ». La contradiction entre ces 2 articulations n’est pas sans intérêt. A-t-on en définitive à faire avec une science humaine comme l’histoire qui décline ses écoles diverses en fonction des cultures et des époques, mais alors pourquoi tant d’anathèmes sur toute autre théorie a priori ?

Ou est-ce une science qui nécessite des modèles, mais alors pourquoi n’y en a-t-il qu’un de retenu ? Autre chose est d’avoir une conviction intime, autre chose est de prouver que cette conviction est la vérité. La prudence est donc de mise surtout dans les sciences du vivant où les interprétations sont tellement sensibles.  « La science ne pense pas », cette remarque de bon sens permet d’éviter des dévoiements qui conduisent à une mythologie toxique.

La situation de la métaphysique contemporaine réduite à de la logique explique ce brouillard dans lequel nous évoluons et la science sous quelque forme que ce soit devient le seul point de repère qui disqualifie toute réflexion métaphysique.

 

 

DESSIN OU DESSEIN ?

Si on veut bien nous accorder que l'explication par le « hasard et la nécessité », de l'état actuel du monde vivant est plus passionnelle, ou idéologique, qu'imposée par l'état actuel de la science, on nous permettra aussi d'y voir une espèce de rejet de la notion de finalité.

Pratiquement évidente pour tous les naturalistes anciens et pour les classiques, et encore acceptée par les philosophes idéalistes, la finalité est soigneusement rejetée par tout ce qui relève du matérialisme. Elle est la bête noire des philosophes contemporains de la biologie et des biologistes qui philosophent. Et pourtant il y a un fait considérable dont on ne parle jamais et qui est d’importance, c'est que la finalité est l'instrument de travail du biologiste. « [le biologiste] observe à l’exclusion de toute finalité quelque chose qui n’existerait pas sans elle, et il a sans doute scientifiquement le droit peut-être le devoir de le faire, mais il traite les organismes comme des voyageurs qui arriveraient infailliblement au terme de leur voyage sans avoir eu l’intention d’y aller ». Un tel questionnement de la part du géologue serait ridicule. Par contre le botaniste n'outrepasse pas son rôle lorsqu'il se demande par exemple pourquoi l'inflorescence de l'arum dégage en été et pendant quelques heures une chaleur notable. Ce pourquoi est double, il signifie par quel mécanisme ? et dans quel but ?

Tout doit être expliqué par la sélection naturelle or la théorie de l’évolution reste une hypothèse Même si elle est plausible par beaucoup d’aspects elle ne saurait devenir une preuve scientifique de ce qu’elle avance. La science est en effet la conjonction de 3 activités : analyser des faits, les formaliser et prévoir ce qui se passe sous des hypothèses et des conditions particulières. Or ici, la biologie de l’évolution ne fait que mettre en relation des faits empiriques. Si des variations au sein d’une même espèce ont été reconnues depuis les pinsons des Galápagos, jamais personne n’a pu prouver scientifiquement le passage d’une espèce à une autre. Or la clef de voûte du darwinisme, est la sélection naturelle qui est induite par la meilleure reproduction laquelle ne peut se faire qu’au sein de la même espèce, par définition même du concept d’espèce…Le plus piquant est l’introduction de la téléonomie dans le discours des darwiniens pour éviter à tout prix la finalité qui, selon eux, seraient un pas dans la direction d’un créateur. « Reste les mécanismes morphogénétiques qui construisent les structures téléonomiques. Il est parfaitement vrai que le développement embryonnaire est l’un des phénomènes les plus miraculeux de toute la biologie » et plus loin « L’objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et leurs performances, ils poursuivent un projet. Il y a donc là au moins en apparence une contradiction épistémologique profonde ».Aristote aurait acquiescé dans cette résurgence, la finalité, pour qui, « dans le cadre des êtres vivants, il n’y a guère de différence entre admirer l’harmonie qui préside à leur structure et discerner la finalité à laquelle répond l’ordre de leurs parties ».

                                                          

Les théories de l’évolution, ne peuvent de toutes les façons atteindre le niveau de l’ontologie. Une description, fût-elle la plus complète possible, ne pourra induire une quelconque existence « d’individus intermédiaires ». L’évolution du cheval en particulier est révélatrice à ce point de vue : la présentation qui en a été faite était orthogénétique alors qu’elle était, de fait, phylogénétique…Les chevaux ont tout simplement évolué en taille ! Et ne parlons pas de la chauve souris dont le radar est une énigme et dont on retrouve des ancêtres identiques dans l’ambre de plusieurs millions d’années.

L’activité intellectuelle associée à la théorie de l’évolution est en effet analogique et inductive. Analogique car elle part de constats simples : la sélection des animaux perfectionne les espèces, les niches écologiques où évoluent des couples « prédateurs-proies », montrent que les plus forts subsistent au dépens des plus faibles même si l’équilibre au sein d’une niche est crucial : plus de proies, plus de prédateurs !  Il est à noter que des espèces ont développé des stratégies de survie pour éviter leur disparition.

Inductive, car partant de restes fossilisés de complexités diverses, elle en induit une évolution temporelle. Le concept de complexité ne laisse pas aussi de questionner : les fossiles du Schiste de Burgess ne présentent-ils pas des complexités qui laissent perplexes les paléontologistes ?  Et pourtant, ils ont disparu totalement. Au contraire, les drosophiles n’ont pas évolué depuis 50 millions d’années “ La drosophile est l'animal qui actuellement a fourni le plus grand nombre de mutations et dont le taux de mutations est le plus élevé. Cependant, les drosophiles trouvées dans l'ambre sont pratiquement identiques aux drosophiles actuelles, ce qui revient à dire que, depuis l'Oligocène inférieur, le type drosophile n'a pas varié ”.  Mais la confusion entre la description d’un dessin et l’affirmation d’un dessein est la même qu’entre la description de la réalité et le discours sur cette description.

Les spécialistes du décryptage de l’ADN voient que la « distance » entre l’espèce humaine et le singe est minimale. Ceci « prouverait » l’affirmation de Darwin « si tous les hommes étaient morts, les singes pourraient alors faire des hommes ». Il est d’ailleurs intéressant de noter que la mathématique vient ici « prouver » la véracité d’une théorie invérifiable.

Que faut-il alors penser de la théorie du plus chanceux ? On sait que périodiquement, des extinctions massives ont lieu environ tous les 26 millions d’années. Entre l’Ortovidien et le Silurien, 75% des espèces disparurent, entre le Dévonien et le Carbonifère même ordre d’extinctions, du Permien au Triasique, 90%, et enfin la fameuse disparition des dinosaures entre le Crétacé et le Tertiaire…Comment alors concilier une évolution graduée avec ces ruptures abruptes dans les Phylums ? Nous ne serions, in fine, « qu’un détail et non le but ou la réalisation d’un tout ».

Est-ce qu’un dessin implique un dessein ? Paley fait le lien entre la découverte d’une montre et l’existence d’un horloger. Trouver une montre implique au moins 3 choses : d’abord qu’elle fut faite, donc pour un but (donner l’heure) et enfin qu’elle n’existait pas avant d’avoir été créée. Mais pour Darwin « l’évolution par sélection naturelle produit un excellent simulacre de dessein». Kant critique l’usage transcendantal du principe de causalité, celle-ci n’ayant pour objet que d’organiser les phénomènes connus par notre entendement.

L’erreur est de croire que l’on déduit une existence alors que l’on ne fait que l’induire ; ce qui n’est pas la même chose ! L’hypothèse scientifique a pour objet le monde et la contingence et les lois scientifiques sont en général des expressions symboliques du réel phénoménal.  L’hypothèse métaphysique concerne l’être et donc relève de l’intelligence qui regarde au-delà de la contingence.

Il faut dire que la  question de l’intelligence, cette faculté qui éclaire la prise de décisions actuée par la volonté est laissée de côté par les darwiniens. Or l’intelligence liée à l’esprit qui cohabite dans notre corps est évidemment un élément spirituel qui ne saurait se réduire à de la chimie du cerveau. Notre intelligence est liée à notre libre arbitre que Dawkins considère comme une absurdité. Le problème est que cette intelligence transpire partout y compris dans les espèces elle-même.

C’est le libre arbitre qui fonde le but à atteindre et fait émerger le concept. Le fait d’en parler ne fait que décrire l’expérience que chacun ne manque pas de faire lui-même dans ses actions les plus simples. Je dirige mes pas pour un but précis, même si je fais une promenade « au hasard », j’entreprends une activité pour réaliser une œuvre si modeste soit-elle. Le biologiste n’échappe pas à cette donnée radicale et de plus il ne peut que se demander la raison de telle stratégie de telle espèce dans un tel contexte. Le hasard est alors évacué de lui même dans le processus scientifique du plus pur darwinien. Ainsi, le « gêne égoïste » de Dawkins révèle-t-il un but à savoir que l’individu est là pour assurer sa survie…

 

 

Le hasard, nouvelle causalité?

L’irruption du hasard comme opérateur qui donne sens, que se soit dans les sciences physiques ou dans les sciences du vivant, ne laisse pas de poser des question. Le hasard en tant que tel n’existe pas. Il existe au niveau des concepts qui tentent d’unifier des événements dans la saisie de la réalité. N’est-il qu’une limite à notre entendement ou une chose est appelée contingente qu’en raison de l’insuffisance de notre connaissance ?

« Cromwell allait ravager toute la chrétienté, la famille royale était perdue et la sienne à jamais puissante, sans un petit grain de sable qui se mit dans son uretère. Ce petit gravier s’étant mis là, il est mort et sa famille abaissée, le roi rétabli ». Le hasard apparaît ici comme lié à des événements soudains qui s’écartent de leurs cours habituel créant par là un contraste entre une petite cause et de grands effets. Le hasard se décrit pourtant comme une relation observable entre des phénomènes concrets, comme un lieu d’intersection d’événements. Le hasard est perçu souvent comme une « malchance », une disproportion entre des événements et leurs conséquences qui heurtent les sentiments d’égalité ou de justice. On voudrait que tout soit régi par des lois intangibles et sans empiètement entre elles. Mathématiser le hasard revient alors à mesurer le degré de vraisemblance d’un événement tandis que ce que la philosophie appelle contingence est alors l’ensemble des modalités qui rendent l’avenir incertain mais avec des nuances trop subtiles pour être prises en compte par une théorie scientifique.

En 1654, Pascal, déclare que, jusque-là, dans les jeux de hasard, le résultat des parties était attribué à juste titre à « la contingence fortuite plutôt qu’à la nécessité naturelle », mais que ce qui nageait dans l’incertitude se trouve par lui réduit au calcul. Aussi cette nouvelle science, « conciliant les choses qui semblaient contraires, et recevant son nom des 2, revendique ce nom stupéfiant de Géométrie du hasard  ». La connaissance du futur contingent peut relever non plus de la simple supputation, mais du calcul. Alors que le sens commun nous incite à imaginer d’abord le futur immédiat et à nous éloigner de plus en plus du présent, Pascal établit que, pour maîtriser mathématiquement l’aléatoire, il faut partir d’un ensemble d’éventualités qui constituent les fins possibles d’une partie et, de là, remonter jusqu’à l’état présent.

L’idée même d’explication scientifique se transformait : le modèle causal et déterministe cessait de paraître comme le plus parfait, alors que les lois et les théories statistiques, en physique puis en biologie, permettaient de pénétrer la structure intime de l’infiniment petit.

Le hasard mathématique. Les mathématiciens ont donc approché ce concept par des relations logiques entre des éventualités concrètes et ont tenté d’y introduire une notion de mesure permettant de pondérer les aléas « les probabilités ». Par exemple, au cas où un joueur, peut gagner lors d’une seule partie contre un autre joueur puis par récurrence, dans des cas plus compliqués où les 2 joueurs sont dans une situation inégale relativement au nombre des parties qui leur manquent pour gagner l’enjeu. L’approche de Pascal est plus proche d’une théorie de la décision que d’une véritable théorie des probabilités qui sera vraiment formalisée par Kolmogorov début 20ième.

Laplace en 1812 propose sa « théorie analytique des probabilités ». Les probabilités deviennent une réalité objective grâce au théorème des grands nombres qui introduit la notion de statistiques. La loi des grands nombres assure ainsi une capacité de prédiction d’événements et l’importance des lois probabilistes infère que le hasard devient un principe d’intelligibilité du réel qui offre une capacité d’explication de celui-ci. Markov prolongera ce travail et prouvera le théorème central limite qui permet des estimations de variables aléatoires à partir d’une fonction universelle, appelée la gaussienne.  Kolmogorov offrira ensuite, une approche fondée sur la théorie des ensembles et celle des probabilités. On sait que la probabilité d’un événement A est le quotient du nombre de cas favorables réalisant A par le nombre de cas total pouvant se réaliser. Il y a une « chance sur 2 » dit-on couramment qu’une pièce de monnaie tombe sur le côté pile.

                           Dans la théorie des jeux, le hasard devient un outil objectif de stratégie; c’est le théorème dit du « minimax » : le joueur qui a calculé sa stratégie mixte optimale (le meilleur mélange de ses tactiques élémentaires tirées au hasard) s’affranchit du même coup des aléas extérieurs en ce sens qu’il n’a plus besoin de se régler sur les choix de son adversaire et de varier sa tactique en l’observant.  On calcule donc un plan optimal  indépendant des aléas extérieurs.

Les mathématiciens se sont emparés de cette notion de hasard pour en faire, une théorie qui mesure la probabilité de certains événements. L’astuce, si l’on peut dire, est de reléguer dans un no man’s land ce que l’on appelle « l’espace des états » et de donner des images de cet ensemble dans des espaces où l’on peut faire des calculs.

Mais l’importance des lois probabilistes infère que le hasard devient un principe d’explication du réel et le rend intelligible. Il devient même une nouvelle causalité avec la mécanique quantique. On assiste donc à un retournement stupéfiant : le hasard aveugle devient celui qui guide, mais le mot n’a pas repris d’usage, car les termes de probabilité, de hasard et, en partie, ceux d’incertitude, d’indéterminisme, et même de chaos ont avantageusement rempli les fonctions que la contingence assurait naguère dans le vocabulaire.

On voit poindre ainsi une nouvelle causalité : le hasard tout puissant par sa mathématisation devient un substitut et immerge toutes les sciences dures ou humaines, seuls les mathématiciens savent par leur pratique que le hasard n’est qu’un des aspects de la théorie des intégrales avec les résultats spectaculaires que l’on connaît. Les applications dans la vie courante sont très nombreuses et ont montré leur efficacité.

Mais que vient faire le hasard dans la théorie de Darwin, hasard qui n’a jamais été mis en évidence, dont aucune prévision de type mathématique n’a été faite et qui sert comme moteur à l’évolution ? Pour un bon darwinien, c’est incontestablement le moteur de celle-ci. Il est nécessaire qu’il y ait « au hasard » des mutations pour que le 2e dogme de la théorie la sélection naturelle, puisse entrer en action. Toute nouvelle modification ne sera efficace que si elle devient prépondérante grâce à la capacité de reproduction du nouveau prototype.

 

Mais quel est ce hasard qui agit ? Que camoufle ce terme ambigu? Est-ce par ignorance des mécanismes si subtils de la génétique que l’on se contente de l’invoquer ? Où est-ce par volonté délibérée de se défaire d’un quelconque dessein organisateur ? Dawkins, dans : la maladie mentale qui s’appelle Dieu  annonce « L’argument de l’improbabilité dit que les choses complexes ne sauraient être apparues par hasard. Mais, plus d’une personne définit « apparaître par hasard » comme un synonyme de « apparaître en absence d’un dessein délibéré ». Ce n’est pas surprenant, par conséquent, qu’elles pensent que l’improbable est la preuve d’un dessein. La sélection darwinienne montre combien ceci est faux par rapport à l’improbable de la biologie». Ici, nous sommes face à une spéculation pure et dure, étant donné qu’il est impossible de faire des expériences permettant de valider ou  d’invalider cette hypothèse. Aucune expérience de laboratoire n’a permis, jusqu’à présent, de créer des espèces nouvelles, tout au plus peut-on altérer le patrimoine génétique d‘une espèce donnée pour la doter de telle ou telle propriété : ainsi, telle souris verra-t-elle ses extrémités devenir phosphorescentes grâce à l’implant d’un gêne provenant d’un vers luisant.

Le hasard remplace pour le matérialisme le dessein qui suppose une intelligence créatrice. Il vaut mieux avoir un hasard aveugle, que d’imaginer qu’il existe un but à atteindre et en plus coordonné avec les autres espèces.

Cournot philosophe du hasard, objectait que l’absence de témoignages fossiles pour les espèces intermédiaires qui auraient dû exister en très grand nombre autrefois pour que la séparation des espèces actuelles soit possible et se refusait à imputer au hasard une disparition aussi générale. Et Bergson de surenchérir  « Une variation accidentelle, si minime soit-elle, implique l’action d’une foule de petites causes physiques et chimiques. Une accumulation de variations accidentelles, comme il en faut pour produire une structure compliquée, exige le concours d’un nombre pour ainsi dire infini de causes infinitésimales. Comment ces causes, toutes accidentelles, réapparaîtraient-elles les mêmes, et dans le même ordre, sur des points différents de l’espace et du temps ? » Il fait ensuite remarquer que l’apparition de l’œil chez les mollusques et chez les vertébrés est une énigme si l’on s’en tient à la théorie des petites variations aléatoires, car comment expliquer que l’on obtient le même résultat des 2 côtés? « Comment supposer en effet que les mêmes petites variations, en nombre incalculable, se soient produites dans le même ordre sur 2 lignes d’évolution indépendantes, si elles étaient purement accidentelles ? Et comment se sont-elles conservées par sélection et accumulées de part et d’autre, les mêmes dans le même ordre, alors que chacune d’elles, prise à part, n’était d’aucune utilité ? ». On voit combien les antinomies s’entrechoquent et conduisent à des questionnements de plus en plus inextricables que l’on ne peut balayer d’un revers de main en invoquant le hasard même mis au rang d’une théorie mathématique qui a fait ses preuves.

 

Schutzenberger faisait observer que  l’interprétation des systèmes biologiques comme des systèmes formels était dénuer de sens puisque on sait bien en informatique que le hasard est destructeur de sens et donc ne pouvait en aucun cas produire les améliorations requises par la théorie de Darwin. Il soulignait que la complexité est une donnée qu’ignorent les biologistes : quand on veut construire une cellule – si tant est que cela soit concevable compte tenu de la formidable intrication de ses éléments – il faut gérer des données non pas linéaires qui correspondrait à une empilement successif de briques comme pour faire un mur, mais exponentiel, car il faut comme dans le conception d’un avion penser l’intégralité de l’objet au départ ou faire tous les essais jusqu’au résultat gagnant. Pour Marco la complexité fonctionnelle est au cœur du débat scientifique que tout  chercheur en biologie doit affronter tôt ou tard. « Comment se fait-il, interrogeait-il, qu’avec si peu de briques élémentaires (les composants élémentaires de l’ADN), les materiaux de la vie puissent construire des objets si merveilleusement compliqués et efficaces ? » Pour lui, la sélection naturelle est un instrument très faible du point de vue du concept de preuve car les phénomènes subsumés par la sélection naturelle sont tout simplement évidents et sont incapables de prédire quelle sera l’étape suivante…

 

 

Que dit l’Eglise ?     Omne agens agit propter finem

La grande vision sur la Création qui a été celle de l’Eglise est en effet totalement disjointe de la vision matérialiste de la théorie Darwinienne. Et pourtant, pour appuyer leur théorie, les défenseurs du dogme néo-darwinien invoquent une déclaration de Jean Paul II devant l’académie pontificale le 22 oct 96 selon laquelle l’évolution serait plus qu’une hypothèse. Le Pape, se décidait enfin à réhabiliter Darwin ! Ce qui est faux car Darwin n’a jamais été condamné par un tribunal ecclésiastique, ensuite parce que le Pape a bien pris soin de faire la distinction entre une plausibilité de la théorie de l’évolution et la vision matérialiste de certains. Pie XII  dans Humani generis avait déjà affirmé qu’il n’y avait pas opposition entre l’évolution et la doctrine de foi sur l’homme et sur sa vocation à condition de ne pas perdre de vue certains points précis.

« Compte tenu de l’état des recherches scientifiques à l’époque et aussi des exigences propres de la théologie, Humani generis considérait la doctrine de « l’évolutionnisme » comme une hypothèse sérieuse, digne d’une investigation et d’une réflexion approfondies à l’égal de l’hypothèse opposée…Aujourd’hui, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des chercheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans plusieurs disciplines du savoir. La convergence nullement recherchée et provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie ». Mais le Pape met bien la distance entre une théorie scientifique et la réalité en rappelant  la portée d’une théorie scientifique ; il précise d’ailleurs qu’il convient de parler des théories de l’évolution « Cette pluralité tient d’une part, à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l’évolution et, d’autre part aux diverses philosophies auxquelles on se réfère. Il existe ainsi des lectures matérialistes et réductionnistes et des lectures spiritualistes. Le jugement ici est de la compétence propre de la philosophie et, au-delà de la théologie. Le Magistère de l’Eglise est directement intéressé par la question de l’évolution, car celle-ci touche la conception de l’homme ».

Jean Paul II avertit que les théories qui considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité sur l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne. Avec l’homme, nous nous trouvons donc devant une différence radicale qui est de l’ordre de l’être. C’est une rupture qui implique une discontinuité qui va à l’encontre de cette continuité physique qui semble être le fil conducteur des recherches sur l’évolution qui semble faire tout émerger de la matière, de la physique et de la chimie  par essais et erreurs corrigés par la Nature toute puissante? Evidemment l’irruption de la conscience comme conséquence de l’âme spirituelle est une donnée inaccessible à des observations de crânes ou de bouts d’os ! Les sciences de l’observation décrivent et mesurent avec toujours plus de précision les multiples manifestations de la vie et les inscrivent sur la ligne du temps. Le moment du passage au spirituel n’est pas l’objet d’une observation de ce type, qui peut néanmoins déceler, au niveau expérimental, une série de signes très précieux de la spécificité de l’être humain. Le seul indice concernant l’arrivée d’une donnée spirituelle qui puisse transcender ces données paléontologiques concerne 2 faits indiscutables : l’ensevelissement des morts avec un rituel qui l’accompagnait, puis la constitution d’un art - l’esthétique - qui, par définition, témoigne d’une capacité d’abstraction dont les animaux sont incapables. La spécificité de l’être humain, c’est le libre arbitre lié à sa conscience puis la constitution d’une morale.

« Toutes les observations concernant le développement de la vie conduisent à la même conclusion. L’évolution des êtres vivants, dont la science cherche à déterminer les étapes et discerner le mécanisme, offre une finalité interne qui provoque l’admiration. Cette finalité qui oriente les êtres dans une direction dont ils ne sont pas responsables ni maîtres oblige à supposer un Esprit qui est son inventeur, son créateur. » JP II ajoute : « A toutes ces indications  de l’existence de Dieu le créateur, certains opposent le pouvoir de la chance ou de quelques mécanismes propres à la matière. Parler de chance pour un univers qui présente  une organisation si complexe de ses éléments et une telle merveilleuse finalité dans sa vie reviendrait à renoncer à la recherche d’une explication du monde tel qu’il nous apparaît. En fait ce serait abdiquer l’intelligence humaine, et refuser de penser et de chercher une solution aux problèmes ».

Un an plus tard: « Il est clair que la vérité de la foi à propos de la création est radicalement opposée à des philosophies matérialistes voyant le cosmos comme le résultat  d’une évolution de la matière réduite purement à la chance et à la nécessité. » Aucune équivoque par conséquent sur l’approche spiritualiste du pape qui fait bien la distinction entre l’observation empirique et la réflexion philosophique d’un même fait. S’en tenir à « la chance et la nécessité » serait, une abdication de l’intelligence humaine.

Ratzinger constatait que la théorie de l’évolution n’a cessé de se cristalliser comme la voie propre à faire disparaître enfin la métaphysique, à rendre superflue « l’hypothèse Dieu »  dont parlait Laplace face à Napoléon « Sire, je n’ai pas besoin de cette hypothèse » et à formuler une  explication du monde strictement « scientifique ». Une théorie de l’évolution expliquant tout le réel en embrassant le tout, est devenue une forme de « philo 1ere  », qui, pour ainsi dire, représente le fondement positif pour la compréhension rationaliste du monde. Chaque tentative pour mettre en jeu des causes autres que celles qui prévalent dans telle théorie « positive », chaque essai de métaphysique apparaîtra dès lors comme un refus de la science de prétendre à l’universalité. De la Mettrie faisait observer que le cœur du cartésianisme est le matérialisme : c’est bien ce que l’on constate aujourd’hui en voyant que tout est soumis à la puissance des mathématiques. La théorie de l’évolution s’articule sur 2 axiomes : le hasard assure les mutations et la sélection naturelle assure le dynamisme de l’évolution, tout le reste n’est que déduction logique.

                        Le cardinal s’interrogeait pour savoir si la doctrine de l’évolution peut se présenter comme une théorie universelle de tout le réel, au-delà de laquelle  d’autres questions sur l’origine et l’être des choses ne sont plus recevables, ni même nécessaires, ou bien si de telles interrogations finales ne dépassent pas le domaine de ce qui est objet de recherches purement scientifiques. Citant Popper qui considère le réel comme issu « du hasard et de la probabilité » c'est-à-dire de l’irrationnel, Ratzinger demandait si vraiment la raison est un produit accidentel de l’irrationnel. Si l’évolution devient une philosophia universalis,  il lui faut une morale, et  celui que le néo-darwinisme offre est celui de la  sélection, de la lutte pour la vie,  de la victoire du plus fort et du succès de l’adaptation. Bref la guerre de tous contre tous. On a vu plus haut l’impact de cette théorie sur les grandes idéologies du 20ième siècle avec leurs conséquences.

Tort affirme toutefois que la sélection naturelle a été le moteur d’une éthique. « Les instincts sociaux ont été retenus et développés ainsi que le  prouvent le triomphe universel du mode de vie social au sein de l’humanité et la tendancielle hégémonie des peuples civilisés » Les guerres montent que l’homme est un loup pour l’homme.

Mais il faut bien le rappeler, Darwin et Marx font  cause commune: « L’ouvrage de Darwin est très important, il me sert de base scientifique pour la lutte historique des classes. Il porte pour la 1iere fois un coup mortel à la « téléologie » dans les sciences naturelles, et de plus en analyse empiriquement le sens rationnel.»

            A Engels, il écrit : « ‘Il est curieux de voir comment Darwin retrouve chez les bêtes et les végétaux la société avec la division du travail, la concurrence, l’ouverture de nouveaux marchés, les « inventions » et la lutte pour la vie de Malthus. C’est le Bellum omnium contra omnes de Hobbes, et cela fait penser à la Phénoménologie de Hegel où la société bourgeoise figure sous le nom de « règne animal intellectuel » tandis que chez Darwin c’est le règne animal qui fait figure de société civile ».

Cette approche  « scientifique »  ajoutée à son nominalisme ne fait que recouvrir une conception désespérée de la cité de l’homme bâtie sur les ruines de la cité de Dieu. La philosophie politique de Hobbes reconnaît un summum malum, c'est-à-dire la mort à défaut d’un summum bonum. On retrouve donc la mort comme moteur de la sélection naturelle puisque la mort tient lieu  de finalité, et le droit naturel n’est plus que le désir de chacun d’échapper à la mort. Il s’agit d’un droit et en ce sens on peut dire qu’Hobbes est le père du libéralisme comme une doctrine politique qui privilégie les droits de l’homme sur ses devoirs et confie à l’Etat le soin d’y veiller. Hobbes introduit aussi une conception laïcisée de l’état de nature: « Hobbes, écrit Leo Strauss, remplaça l’état de grâce par l’état de société civile ». Et on peut  ajouter, avec Marx, que cette société civile chez Hobbes ressemble étrangement au règne animal.

Parler de règne animal, c’est aussi  renoncer à la raison et nous retrouvons la critique de Ratzinger qui fait remarquer que pour Rousseau, qui a inspiré la Révolution française, tout ce qui procède de la raison et de la vérité se dresse contre la nature, la pollue, la contredit. L’idée de nature échappe à l’empreinte  d’un droit qui, comme la loi de la nature, serait préalable à toute institution. Son idée est antimétaphysique, subordonnée au rêve d’une liberté parfaite que rien ne vient réglementer et, tout compte fait, l’homme n’est qu’un « singe glorifié », « Tout animal a des idées puisqu’il a des sens. D’une certaine manière, il combine même ces idées et c’est seulement dans le degré que l’homme diffère, de ce point de vue, de la brute » et « les seuls dieux qu’il reconnaît dans l’univers sont la nourriture, une femelle et le sommeil, les seules peurs qu’il craint sont la souffrance et la faim » ! Rousseau se souvient qu’il a un libre arbitre et tente de le sauver « Car la physique peut expliquer, le mécanisme des sens et la formations des idées ; mais dans la puissance de la volonté ou plutôt de choisir et dans le sentiment de cette capacité, rien ne peut être trouvé qui ne soient des actes purement spirituels et totalement inexplicables par les lois de la mécanique ».

                        Pour retrouver une intelligence authentique de la loi naturelle, il faut être au clair avec la question de l’évolution, savoir distinguer les plans et ne pas confondre les recherches légitimes de la science et les philosophies positivistes et matérialistes qui prétendent exclure dogmatiquement métaphysique et religion. Mais une question se pose, faut-il avoir une métaphysique et une religion pour admettre la loi naturelle ?

                        Toutes les cultures sont à la fois différentes et en même temps ouvertes les une aux autres. Si les positivistes  attribuent cela au hasard, le cardinal y discerne une cause métaphysique. On ne peut que penser à la vieille plaisanterie « le hasard est le nom que Dieu prend pour passer inaperçu ! » La rencontre des cultures est possible parce que  l’homme malgré toutes les disparités de son histoire et de la genèse de sa communauté, est toujours un seul et même être. Cet unique être « homme » est touché par la vérité elle-même. Il y aurait donc la possibilité  d’une culture universelle rassemblant les cultures particulières autour d’une conception commune de la nature humaine. Cependant l’histoire et l’actualité nous montrent la division et l’universalité potentielle des cultures se trouve toujours de nouveau devant les obstacles qui paraissent insurmontables quand elle doit passer au stade  d’une  universalité effective. Le dynamisme  de ce qu’on a en commun est contrebalancé par ce qui sépare, une aliénation qui entrave la connaissance et qui, du moins partiellement, tient les hommes à l’écart de la vérité et séparés les uns des autres.

             Si les différentes cultures et religions se mettent inter-culturellement à la recherche de la trace de la vérité unique qui nous est commune, alors on verra des choses inattendues : les points communs du christianisme avec les cultures anciennes sont plus nombreux que les points communs avec le monde relativiste et rationnel qui s’est séparé des découvertes fondamentales qui portaient l’humanité, et qui met l’homme dans un espace vide de sens qui menace de devenir mortel si on ne lui donne pas à temps une réponse. En effet, à travers toutes les cultures se trouve une référence de l’homme à Dieu et à l’éternité ; on y connaît le péché, la pénitence et le pardon ; la communion avec Dieu et la vie éternelle ; et finalement les structures morales fondamentales telles qu’elles ont été exprimées dans le Décalogue. Ceci est une confirmation, non du relativisme, mais de l’unité de l’être humain » et du fait que nous ayons tous été touchés par une vérité qui est plus grande que nous.

Une culture technicienne s’inspirant d’une philosophie évolutionniste  excluant la métaphysique et niant le transcendant est le grand danger de notre temps parce qu’elle ne  reconnaît pas de nature humaine ni de loi naturelle, livrant les sociétés soit à l’anarchie individualiste du libéralisme extrême soit à la dictature  engendrée par l’anarchie elle-même.

                        L’enseignement constant de l’Eglise affirme la réalité d’un dessein dans la nature. « Nous ne sommes pas un produit accidentel et dénué de sens de l’évolution. Chacun de nous est issu de la pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun de nous est aimé, chacun de nous est nécessaire. » Benoît XVI

L’article du cardinal Schönborn

L’interprétation d’auteurs et de théologiens, et parmi eux  nombre de catholiques, sur la position de l’Eglise qui, selon eux, aurait accepté l’idée de l’évolution comprise comme un processus lié au hasard n’est pas vraie. Tout en laissant à la science la capacité d’expliciter bien des détails sur l’histoire de la vie sur Terre,  l’Eglise proclame que, par la lumière de la raison, l’intelligence humaine peut facilement et clairement discerner le but et le dessein du monde naturel, y compris le monde du vivant. La théorie de l’évolution qui prétend qu’il y aurait un ancêtre commun pourrait être vraie, mais l’évolution selon le néo-darwinisme, comme un processus aveugle et improvisé de variations accidentelles et de sélection naturelle, ne peut être vraie. Tout système de pensée qui dénie ou cherche une explication en refusant de voir l’évidence d’un dessein en biologie est une idéologie et non pas une science. Ces mises au point intéressent directement les questions posées à propos de la loi naturelle qui est proprement une œuvre de raison.

Constatant que l’Europe est comme fatiguée de la rationalité, Ratzinger ne voyait pas non plus que la rationalité séculière formée en Occident puisse s’imposer à toutes les traditions culturelles, et on devait reconnaître qu’elle n’est pas compréhensible pour toute l’humanité, si bien qu’un éthos mondial reste une abstraction. Il proposait alors un dialogue entre la raison et la religion à la suite de « Fides et ratio ». Les pathologies religieuses et celles de la raison sont aussi dangereuses les unes que les autres et tandis que la religion devrait accepter la raison, comme organe permanent de purification et de régulation, l’exercice de la rationalité doit être rappelé à ses limites et apprendre une capacité d’écoute par rapport aux grandes traditions religieuses pour éviter de devenir  destructrice. Comte affirmait qu’il fallait nécessairement substituer partout le relatif à l’absolu, mais le Fondateur  de la religion de l’humanité enseigna finalement dans son Catéchisme positiviste un nouveau dogme. Cela ne fait jamais qu’une croyance supplémentaire !

 

 

CONCLUSION

La question est « de quel dieu parlons-nous ? » Est-ce un moteur mortifère drapé dans le hasard qui conduit l’humanité vers des lendemains plus radieux ? Est-ce un grand horloger qui une fois pour toute à mis en route l’univers dans une mécanique indéréglable ? Ou est-ce un Dieu qui porte l’univers dans une bonté inépuisable.

La distinction entre les choses ainsi que leur multiplicité proviennent de l’intention du 1ier agent, qui est Dieu. En effet, Dieu produit les choses dans l’être pour communiquer sa bonté aux créatures, bonté qu’elles doivent représenter. Et parce qu’une seule créature ne saurait suffire à la représenter comme il convient, il a produit des créatures multiples et diverses, afin que ce qui manque à l’une pour représenter la bonté divine soit suppléé par une autre. Ainsi la bonté qui est en Dieu sous le mode de la simplicité et de l’uniformité est-elle sous le mode de la multiplicité et de la division dans les créatures.

Par conséquent l’univers entier participe de la bonté divine et la représente plus parfaitement que toute créature quelle qu’elle soit.»

La grande question regarde « l’être ». Vatican 1 l’avait bien affirmé contre toutes les dérives fidéistes et mettait un terme à un scepticisme qui remontait à l’époque d’Erasme et qui s’était développé à la suite des ténors du doute, avec qui on ne peut qu’errer sur des terres qui, au mieux, seront mathématisées pour satisfaire la raison, mais pas l’intelligence.

 

Il nous faut regarder ce que dit la science dans toute sa grandeur et sa beauté à la lumière du plan divin en montrant la splendeur de l’intelligence humaine qui, devient capable de nommer tous les animaux devant Dieu, montrant par là une des tâches fondamentales du savant qui est de classifier et par là de connaître en les nommant les éléments de la création. Car comment connaître sans nommer par un nom qui par là permet une proximité plus grande ? La gratification divine du travail du savant est alors la joie de la découverte, participation de la joie divine dans la création repensée par l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu.

L’unité humaine doit se retrouver dans la rigueur du travail du savant et le regard qu’il pose sur la création, regard  qui ne peut que déboucher sur une action de grâce et l’adoration.

            «  L’idée chrétienne du Monde est qu’il a eu une origine au travers un processus très complexe d’évolution mais que toutefois, dans sa profondeur, il provient du Logos. Il porte par conséquent une raison en lui-même. »

S.S. Benoît XVI

 

Jacques Vauthier, mathématicien

2008